Jardin numérique

web note-mature


Un jardin numérique (digital garden) n’est ni un blogue, ni un wiki personnel.

TODO-reformuler

Extraits traduits de l’article d’Appleton (2020)1 :

Ils ne suivent pas les conventions du « blog personnel » tel que nous le connaissons aujourd’hui. Plutôt que de présenter un ensemble d’articles soignés, affichés dans un ordre chronologique inversé, ces sites fonctionnent davantage comme des wikis libres, en perpétuelle élaboration.

Un jardin numérique est une collection d’idées en évolution, qui ne sont pas strictement organisées selon leur date de publication. Il est, par nature, exploratoire : les notes y sont reliées par des associations contextuelles. Elles ne sont ni raffinées ni achevées ; les notes sont publiées comme des pensées à moitié formées, appelées à croître et à évoluer avec le temps. Ces sites sont moins rigides, moins démonstratifs, et moins parfaits que les sites personnels auxquels nous sommes habitués.

Cela évoque les débuts du web, à une époque où l’on avait moins de notions arrêtées sur ce que « devrait être » un site internet. C’est une éthique à la fois classiquement ancienne et nouvellement réinventée.

Principes

TODO-reformuler

Appleton (2020)1 :

Il s’agit plutôt d’une nouvelle manière de concevoir notre comportement en ligne vis-à-vis de l’information, une manière qui permet d’accumuler du savoir personnel au fil du temps, dans un espace propice à l’exploration.

L’argument central de Caufield est que nous avons été emportés par les flux — cette réduction de l’information en des lignes temporelles uniques d’événements. Le design conversationnel des fils d’emails, des discussions de groupe et des réseaux InstaTwitBook est éphémère : il ne s’intéresse qu’aux pensées immédiates, affirmatives, qui passent en un éclair. Bien que cela puisse sembler évident aujourd’hui, la streamification du web était encore naissante en 2015.

Ce n’est pas en soi quelque chose de mauvais. Les flux ont leur utilité et leur moment. Twitter, par exemple, peut devenir un formidable amplificateur d’idées exploratoires et de rencontres stimulantes, à condition de trouver le bon cercle et d’apprendre à en maîtriser les codes.

Mais les flux ne font émerger que les idées du moment, celles des dernières vingt-quatre heures. Ils ne sont pas conçus pour accumuler du savoir, relier des informations disparates, ou faire mûrir la pensée au fil du temps — même si la popularité croissante des threads sur Twitter représente une tentative intéressante pour rendre l’environnement du flux un peu plus « jardinesque ».

Le jardin, au contraire, est notre contrepoids. Les jardins présentent l’information dans un paysage richement interconnecté, qui croît lentement au fil du temps. Tout y est organisé et relié de manière à inviter l’exploration. Pensez à la façon dont Wikipedia fonctionne lorsque vous passez de la Révolution bolchevique à la mécanique céleste, puis au nombre de Dunbar : c’est l’hyperlien dans toute sa puissance. Vous choisissez activement quel sentier de curiosité suivre, plutôt que de vous abandonner au flux éphémère filtré par des algorithmes. Le jardin nous aide à nous détacher des flux temporels pour entrer dans des espaces de savoir contextuels.

1. Topographie plutôt que chronologie

TODO-reformuler

Les jardins numériques sont organisés autour de relations contextuelles et de liens associatifs : ce sont les concepts et les thèmes de chaque note qui déterminent la manière dont elle se relie aux autres.

Cette approche s’oppose à la structure temporelle des blogs traditionnels, où les articles sont présentés dans un ordre chronologique inversé, selon leur date de publication.

Dans un jardin, la date de publication n’est pas considérée comme l’élément le plus important d’un texte. Les dates peuvent apparaître, certes, mais elles ne constituent pas la base structurelle de la navigation à l’intérieur du jardin. Les notes y sont reliées les unes aux autres par des thèmes communs, des sujets apparentés ou un contexte partagé.

L’un des meilleurs moyens de favoriser ces connexions est l’usage de liens bidirectionnels — des liens qui rendent à la fois la page de destination et la page source visibles pour le lecteur. Cela facilite la navigation fluide entre les contenus apparentés.

2. Croissance continue

TODO-reformuler

Les jardins ne sont jamais terminés — ils croissent, évoluent et changent en permanence, tout comme un véritable jardin de terre, de carottes et de choux.

Ce n’est pas ainsi que nous avons l’habitude de concevoir l’écriture sur le web. Au cours de la dernière décennie, nous nous sommes éloignés des journaux personnels spontanés pour formaliser notre écriture en articles et essais. Ceux-ci sont soigneusement rédigés, édités, révisés, puis publiés avec un horodatage. Une fois cela fait, c’est terminé. Nous agissons comme de petits magazines, envoyant nos textes à l’imprimerie.

Les jardins sont conçus pour évoluer en même temps que votre pensée. Quand une idée vous vient, elle est floue et peu structurée. Vous pouvez repérer un motif dans votre coin du monde, mais il faut recueillir des preuves, envisager des contre-arguments, identifier des tendances similaires et rechercher qui d’autre a déjà eu de telles idées avant vous. En bref, il faut faire le travail préparatoire et y réfléchir de manière critique sur la durée.

3. Imperfection et apprentissage en public

TODO-reformuler

Les jardins sont imparfaits par nature. Ils ne dissimulent pas leurs aspérités ni ne prétendent être une source de vérité définitive.

Publier quelque chose d’imparfait ou de partiellement rédigé sur un « site officiel » peut sembler étrange. Nous avons tous été formés à nous comporter comme de petites entreprises performatives lorsqu’il s’agit de nous présenter dans l’espace numérique. Le blogging a évolué dans la culture du “Premium Médiocre” propre au millénialisme, comme un moyen de promouvoir sa marque personnelle™ et de vendre du contenu optimisé pour le référencement (SEO).

Cette éthique de l’imperfection ouvre un champ de possibilités que le blogging performatif avait refermé. Elle permet d’abord d’apprendre en public (Learn in Public) : c’est-à-dire de partager ce que vous apprenez au moment même où vous l’apprenez, et non dix ans plus tard, une fois devenu un « expert » — un titre que vous n’obtiendrez sans doute jamais officiellement, sauf si vous travaillez dans une industrie fortement hiérarchisée et bureaucratisée, qui valorise les rangs explicites. Pour les autres, il reste à composer avec un syndrome d’imposteur perpétuel.

Cette liberté s’accompagne évidemment d’une grande responsabilité. Publier des idées imparfaites et encore embryonnaires exige de rendre clair leur statut pour les lecteurs. Il faut indiquer, d’une manière ou d’une autre, le degré d’avancement de vos notes et l’effort que vous y avez investi.

4. Ludique, personnel et expérimental

TODO-reformuler

Les jardins sont inhomogènes par nature. Vous pouvez planter les mêmes graines que votre voisin, mais vous obtiendrez toujours un agencement différent des plantes.

Les jardins numériques doivent être tout aussi uniques et singuliers que leurs homologues végétaux. L’intérêt d’un jardin est qu’il constitue un espace de jeu personnel. Vous organisez le jardin autour des idées et des supports qui correspondent à votre façon de penser, plutôt que de suivre un modèle standardisé créé par quelqu’un d’autre.

5. Association et diversité des contenus

TODO-reformuler

Les jardins ne se limitent pas à une collection de mots reliés entre eux. Si l’écriture linéaire est un média incroyable qui nous sert depuis un peu plus de 5 000 ans, il serait absurde de prétendre qu’explorer des idées complexes en se cantonnant à un seul médium suffit.

Il serait également absurde d’ignorer que nous vivons dans une cornucopia audiovisuelle rendue possible par le web. Podcasts, vidéos, diagrammes, illustrations, animations web interactives, articles académiques, tweets, croquis rapides et extraits de code doivent tous avoir leur place et évoluer au sein du jardin.

6. Propriété indépendante

TODO-reformuler

Le jardinage consiste à revendiquer un petit coin du web pour vous-même, un espace que vous possédez et contrôlez entièrement.

Cet espace ne doit pas résider sur les serveurs de Facebook, LinkedIn, Twitter, Instagram (alias Facebook) ou Medium. Aucune de ces plateformes n’est conçue pour vous aider à construire et tisser progressivement votre savoir personnel. La plupart agissent même contre cet objectif.

Si l’une de ces plateformes venait à disparaître, vos écrits et créations disparaîtraient avec elle (des événements plus fous sont déjà arrivés dans l’histoire de l’humanité). Aucune ne propose de bouton d’export facile, et encore moins de format transférable pour vos données.

Posséder votre jardin de manière indépendante vous permet de prévoir des changements à long terme. Il faut réfléchir à la manière dont vous souhaitez que votre espace évolue sur les prochaines décennies, et pas seulement sur les quelques mois à venir.

Avec un peu d’anticipation, vous pouvez construire votre jardin de façon à le rendre facilement transférable et adaptable. Les plateformes et technologies changeront inévitablement. L’utilisation de formats web natifs fiables et largement répandus, comme HTML/CSS, est une valeur sûre. Sauvegarder vos notes sous forme de fichiers Markdown plats ne fait jamais de mal non plus.

Origine

Appleton (2020)1 :

Lors de la conférence Digital Learning Research Network de 2015, Mike Caufield a prononcé une allocution intitulée The Garden and the Stream: a Technopastoral. Cette conférence est ensuite devenue un essai substantiel2, qui pose les bases de notre compréhension actuelle du terme. S’il faut attribuer à quelqu’un la paternité du digital gardening, c’est bien à Caufield : il est le premier à avoir formulé cette idée dans des mots à la fois poétiques et cohérents.

État des notes

J’emploie les étiquettes suivantes pour informer les lecteurs sur l’état global d’une note :

Et sur les changements que je compte apporter à des parties d’une note :

Footnotes

  1. Appleton, M. (2020). “A Brief History & Ethos of the Digital Garden”. 2 3

  2. Caufield, M. (2015, October 17). “The Garden and the Stream: A Technopastoral”. Hapgood.