Sophisme bayésien™
Ne comprends-tu vraiment pas pourquoi j’emploie l’ironie @RatonCirconspect#0752 ? Je vais te fournir quelques éléments explicatifs.
La communauté zététique engendre régulièrement des marottes pseudo-sceptiques que ses adeptes répètent comme comme des ânes jusqu’à les intégrer en réflexes rhétoriques. Avant-hier ponctuaient-ils tous leurs arguments par « tu fais du biais de confirmation ! » ; hier toutes leurs objections par « ta méthode est hypercritique ! » ; aujourd’hui leurs réactions par « tu es complotiste ! » ou, pour ce qui nous intéresse, par « j’ai raison, c’est bayésien ».
Depuis que le youtubeur woke-mathématicien Science4all a découvert le concept de bayésianisme, en a développé une obsession au point d’en écrire précipitamment un livre, sans étudier la littérature sur le sujet (il a déjà reconnu, après les critiques de spécialistes du domaine, qu’il était bourré d’erreurs), et que le youtubeur Hygiène mentale, fasciné par ces vidéos de Science4all, a re-vulgarisé ses idées déjà fausses, la communauté zététique s’en est saisie.
C’est encore une fois une ineptie pseudo-sceptique toute française — je le dis souvent, on a la communauté sceptique la plus connue du monde.
Cette nouvelle lubie est inexistante dans les grands cercles sceptiques étrangers. Pourquoi ? Parce que cet usage du bayésianisme est consensuellement rejeté par les scientifiques en :
Théorie de la décision
L’inventeur même de la théorie de la décision bayésienne, Leonard Savage, expliquait déjà qu’il était ridicule de l’employer de la sorte :
- BINMORE, Ken. (2010). Rational Decision. Princeton University Press.
Leonard Savage—the inventor of Bayesian decision theory—argued that it would be ridiculous to use his theory outside the kind of small world in which it is always possible to “look before you leap.” If taken seriously, this view makes Bayesian decision theory inappropriate for the large worlds of scientific discovery and macroeconomic enterprise. When is it correct to use Bayesian decision theory—and when does it need to be modified? Using a minimum of mathematics, Rational Decisions clearly explains the foundations of Bayesian decision theory and shows why Savage restricted the theory’s application to small worlds
Économie comportementale
cf. littérature scientifique en rationalité écologique — je n’ai plus les références sous la main.
Didactique des sciences
Comme l’explique ce PhD en didactique des sciences, que le bayésianisme comme critère de méthode scientifique a été réfuté.
<https://twitter.com/DrBaratin/status/1432781805799759888>
Maintenant, ami-e-s sceptiques qui remettez en question ma légitimité, goûtez donc au “consensus scientifique”. Ca, c’est un article de base dans mon champ.
La référence est la suivante : Lederman, N.G., Abd-El-Khalick, F., Schwartz, R.S. (2002). Views of Nature of Science Questionnaire: Toward Valid and Meaningful Assessment of Learners’ Conceptions of Nature of Science. Journal of Research in Science Teaching, 39(6), 497-521.
Cet article, paru en 2002, est cité 792 fois. Pour mon champ, c’est énorme : on parle d’un sous-champ de recherche au sein d’une discipline de recherche déjà très petite, la didactique des sciences.
Cet article est paru dans la meilleure revue internationale en didactique des sciences, le Journal of Research of Science Teaching. JRST, pour les intimes.
Et ça c’est un exemple, avec un article. Des trucs qu’on sait faux depuis 25 ans. Vous comprenez mieux le problème avec le scepticisme ? Donc maintenant, je vous prierais, courtoisement, de reconsidérer la pertinence et la qualité de vos propos. Bonne soirée.

On pourra aussi se référer à ce PhD en philosophie des sciences :
- RUYANT, Quentin. (2019, Février 19). « Pourquoi je ne suis pas bayésien ». Blogue ungraindesable. <https://ungraindesable.blogspot.com/2019/02/pourquoi-je-ne-suis-pas-bayesien.html>
Ainsi faut-il distinguer l’usage correct du bayésianisme, pertinent dans les très rares cas de small world, de l’usage général fallacieux, aujourd’hui marque™ des pseudo-sceptiques de la zététique qui s’en servent pour pseudo-rationaliser toutes leurs âneries — le sophisme bayésien™.
Lorsqu’une thèse philosophique est publiée dans une revue à comité de lecture (comme c’est le cas de toutes les publications de Christopher Langan), on peut qualifier différentes catégories de contre-arguments, notamment :
Arguments pauvres
- Le sophisme de réfutation a priori, qui préjuge de la thèse philosophique sans la lire.
- Le sophisme d’argumentum ad populum — appel à la popularité d’une opinion.
- Le sophisme bayésien™, qui invoque le bayésianisme en dehors de son domaine d’application pertinent.
Les combinaisons de ces arguments merdiques transcendent la merditude de ses composantes en constituant un fumier argumentatif. Dénommons par exemple :
- le sophisme d’a*rgumentum ad gogolum (ou argumentum ad populum* bayésien™) : « j’ai lu le CTMU et c’est de la merde parce que les gens autour de moi le disent. J’ai raison, c’est bayésien ».
- le sophisme d’a*rgumentum ad supergogolum (ou argumentum ad populum* bayésien™ a priori) : « je n’ai pas lu le CTMU mais c’est de la merde parce que les gens autour de moi le disent. J’ai raison, c’est bayésien ».
Arguments forts
Les arguments a posteriori, après avoir pris connaissance de la thèse philosophique qui emploient les outils critiques idoines des méthodes philosophiques : exégèse, méthode analytique (élucidation sémantique et clarification logique), méthode phénoménologique ; et des méthodes scientifiques.
En l’occurence, la thèse philosophique de Christopher Langan ne repose pas sur des données empiriques et doit donc être réfutée par les méthodes philosophiques (exégèse, méthode analytique, etc.).
Lorsque je te demandais pourquoi tu affirmais que Christopher Langan était un gros naze @RatonCirconspect#0752, j’étais intéressé par des contre-arguments forts. Puisque tu as répondu par une variante d’argumentum ad supergogolum :
C’est une approche Bayésienne
Il est a priori peu probable qu’un texte donné, sorti des tréfonds d’internet et ignoré par toute la communauté universitaire soit la révolution métaphysique du siècle
… j’ai préféré te répondre avec le sérieux qui t’était dû, c’est-à-dire par l’ironie.
Incidemment, pour ta gouverne, la sociologie des sciences montre que les thèses publiées dans des revues à comité de lecture, par des chercheurs possédant un estampillage universitaire officiel, sont en moyenne lues par 3 personnes dans le monde. Je ne suis plus sûr du chiffre exact, mais c’est dans cet ordre de grandeur. C’est encore plus vrai pour les publications qualitatives dans les Humanités (par exemple la philosophie) où les universitaires ayant le goût des lettres sont prolifiques parce que leurs travaux ne nécessitent pas de laboratoire et d’expériences, contrairement aux publications quantitatives (en chimie par exemple).
Ainsi, il peut se passer des années avant que les publications quantitatives brillantes arrivent sur le devant de la scène, et des décénnies pour les publications qualitatives.
La sociologie des sciences montre que c’est encore pire pour les études publiées par des individus qui, comme Christopher Langan, ne possèdent pas d’estampillage universitaire : leurs publications sont encore moins lues. Il y a diverses raisons à cela, par exemples les universitaires préfèrent épuiser les publications universitaires que lire celle de chercheurs indépendants et des réflexes de classe « diplomés ayant bataillé pour avoir leur entrée dans la caste universitaire » vs. « non diplomés » conduit ces premiers à refuser de lire ces derniers. Et lorsqu’elles sont jugées pertinentes, les universitaires ont une incitation de carrière à ne pas les citer et les reconnaitre pour ne pas faire baisser le score bibliographique de leurs publications qui sont valorisées lorsqu’ils citent d’autres universitaires.